
La répression contre les opposants au président Recep Tayyip Erdogan se poursuit. Mercredi 14 décembre, le maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, étoile montante de la scène politique turque, a été condamné à plus de deux ans de prison pour « insulte envers des responsables », et à une interdiction d’exercer un mandat politique de la même durée, à six mois d’élections cruciales en Turquie.
L’édile, membre du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), le principal parti d’opposition au pouvoir de M. Erdogan, était accusé d’avoir qualifié « d’idiots » les membres du collège électoral qui avait invalidé son élection en mars 2019, ainsi que le ministre de l’intérieur Süleyman Soylu.
M. Imamoglu a aussitôt décidé de faire appel de cette condamnation à deux ans, sept mois et quinze jours de détention, a annoncé son avocat, Me Kemal Polat. L’appel sera suspensif, a-t-il précisé, ce qui signifie que M. Imamoglu conservera son mandat de maire pendant l’examen de l’appel.
« Une poignée de personnes ne peuvent confisquer le pouvoir confié par le peuple. Notre lutte reprend avec encore davantage de force », a réagi M. Imamoglu après l’énoncé du verdict. Le verdict, prononcé par un tribunal d’Istanbul, assortit la condamnation à la prison de M. Imamoglu d’une « privation de certains droits », dont celui d’éligibilité, pour la même durée que sa peine de prison, ont fait savoir les avocats. Si la peine est confirmée en appel, « l’interdiction d’activité politique sera de la même durée que la peine prononcée », a confirmé l’avocat.
Potentiel candidat à la présidentielle
Le maire, âgé de 52 ans, s’était retrouvé dans le viseur du régime après avoir infligé en mars 2019 sa plus humiliante défaite au parti de M. Erdogan, en remportant la mairie d’Istanbul, qui était dirigé depuis vingt-cinq ans par le Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir. Son élection a d’abord été annulée par le gouvernement, contraint de s’incliner trois mois plus tard face à la mobilisation de l’électorat qui a offert une plus large victoire à l’opposant. Quelque temps plus tard, Ekrem Imamoglu avait qualifié d’« idiots » ceux qui avaient invalidé sa première élection, ce qui lui vaut d’être poursuivi en justice. « Je ne faisais que répondre, en lui renvoyant ses propres termes, au ministre de l’intérieur, qui m’avait traité d’idiot », a affirmé l’édile.
Alors que M. Imamoglu risque d’être interdit de politique si la peine est confirmée en appel, l’alliance de l’opposition, composée de six partis dont le CHP, n’est toujours pas parvenue à désigner un candidat commun pour la présidentielle qui doit se tenir en juin 2023. Le maire d’Istanbul compte parmi une poignée de leaders d’opposition que les sondages donnent gagnants face à Recep Tayyip Erdogan, confronté à une grave crise économique et à une inflation officielle autour de 85 %.
Mais le leader du CHP, Kemal Kilicdaroglu, préférerait se présenter lui-même, selon de nombreux observateurs. M. Kilicdaroglu, en déplacement à Berlin, a avancé son retour en Turquie mercredi. Avant de monter dans l’avion, il a dénoncé, dans un message vidéo posté sur Twitter, « un massacre de la loi » et « une justice pourrie ».
Tout en affirmant son soutien au chef de son parti, M. Imamoglu n’a pas fermé la porte à son éventuelle candidature, assurant mardi soir dans un entretien à la chaîne de télévision Télé One que ses « épaules sont capables de porter toutes sortes de responsabilités ».
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