Parentologie : extension du domaine de la peluche

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Le dimanche 26 février, lors du match de football entre Besiktas et Antalyaspor, à Istanbul, les supporteurs ont souhaité rendre hommage aux enfants victimes du tremblement de terre qui, trois semaines plus tôt, avait fait des dizaines de milliers de morts dans l’est de la Turquie. Seulement 4 minutes et 17 secondes après le coup d’envoi (en référence à 4 h 17, heure à laquelle ont eu lieu les premières secousses, le 6 février), des gerbes de nounours et autres doudous se sont envolées des gradins pour atterrir sur les bords du terrain, comme s’il s’était mis à neiger de gros flocons multicolores. Récoltés à l’issue de ce happening consolatoire, ces doux objets ont été par la suite offerts aux petits sinistrés.

Ce moment émouvant s’inscrit dans un mouvement plus vaste d’extension du domaine de la peluche, devenue ces dernières années un trait d’union entre l’enfance et l’âge adulte. L’ours en peluche, on le sait, est emblématique des premières années de vie et, selon le psychiatre Donald Winnicott, l’objet transitionnel par excellence. Substitut du sein de la mère, il ménage une aire intermédiaire rassurante entre l’intérieur et l’extérieur, le subjectif et l’objectif, la satisfaction idéale des désirs et la réalité. « Cet objet est voué au désinvestissement progressif, de sorte qu’avec les années il n’est pas tant oublié que relégué dans les limbes, écrit, en 1951, Winnicott dans Les Objets transitionnels. (…) Il perd sa signification, et ce parce que les phénomènes transitionnels sont devenus diffus, se sont répandus sur tout le territoire intermédiaire qui se situe entre la “réalité psychique intérieure” et le “monde extérieur dans la perception commune à deux personnes” ; autrement dit, parce qu’ils recouvrent tout le domaine de la culture. »

Devenir grand, ce serait – pour emprunter un raccourci – laisser tomber son vieux nounours pour se socialiser. Si l’on y regarde d’un peu plus près, on s’apercevra que cette vision des choses est en partie obsolète. Aujourd’hui, dans le monde des grands, la peluche est partout, comme si nos villes et nos campagnes s’étaient enrichies d’une nouvelle catégorie de citoyens ayant le moelleux de l’objet transitionnel enfantin et la taille XXL de l’adulte. J’ai vu par exemple ces derniers mois un gros ours à l’entrée du centre commercial Citadium à Paris, un autre assis à la terrasse d’un bistrot, comme s’il attendait son demi. Bien sûr, ils n’ont pas la taille de Xonita, qui, avec ses 19,41 mètres de long et ses 4,4 tonnes, a fait la réputation de la ville de Xonacatlan, au Mexique. Le 30 avril 2019, après trois mois de confection, Xonita, avec son petit nœud rose dans les cheveux, est devenue la plus grande peluche du monde.

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Lot atik